Extrait du livre La langue des oiseaux
La langue des oiseaux et autres contes du palais De Chun-Liang YEH et Clémence POLLET Editions Hongfeï
La langue des oiseaux et autres contes du palais
La fourmi reconnaissante Dans le sud de la Chine, un homme nommé Dong traverse le fleuve Bleu sur une embarcation chargée de passagers. Lorsque celle-ci arrive au milieu du fleuve, Dong aperçoit une feuille de roseau flottant au fil de l'eau. Sur la feuille que les remous menacent d'engloutir, une fourmi va et vient rapidement dans la plus grande détresse. Dong se dit : «La fourmi, comme les humains, a peur de mourir! Je dois la secourir.» Il tend alors une tige de roseau vers la feuille et essaie d'embarquer l'insecte. Cependant, les autres passagers de la barque ne voient pas l'affaire du même œil. L'un d'eux s'écrie : «Cette
bestiole est nuisible. Elle est peut-être même venimeuse. Tu as tort de vouloir la sauver; il faut plutôt la tuer.» Sa phrase à peine terminée, il lève un pied pour la piétiner. À cet instant, la barque accoste la rive. La fourmi, qui a pu gagner la terre ferme, disparaît aussitôt. La nuit suivante, dans son sommeil Dong reçoit la visite d'un homme vêtu de noir. Suivi d'une centaine d'autres hommes semblables à lui, le visiteur remercie Dong : «Par malheur je suis tombé dans le fleuve. Tu m'as sauvé la vie et je suis confus de ne pas avoir la possibilité de te rendre la pareille. Je suis roi des fourmis et si un jour tu te trouvais en danger, fais-moi signe et je ferai tout pour te sauver.» Dix ans plus tard, le temps est à la famine qui ravage le pays et aux malfaiteurs qui sévissent partout au sud du fleuve Bleu. Lors d'un voyage qui l'oblige à
passer par les voies dangereuses de la montagne, Dong croise la route de brigands qui le prennent en otage. Dans son désespoir, il se rappelle son rêve étrange et la proposition du roi des fourmis. Se confiant à ses compagnons d'infortune, il dit : «La fourmi m'a incité à l'appeler en cas de danger. Mais comment faire?» Un homme lui suggère : «Et si tu essayais d'attraper deux ou trois fourmis ici? Tu pourrais les prendre dans la paume de ta main et les prier de t'aider. De cette manière, le roi des fourmis entendra peut-être ton appel.» Dong suit ce bon conseil. Effectivement, le soir même, l'homme en noir revient le visiter dans son rêve et lui dit : «Enfuis-toi vite vers le mont Jaune à l'ouest. L'armée impériale est sur le point de rétablir l'ordre dans la région et tu seras sauvé.» Le lendemain, à son réveil au petit matin, Dong découvre que les chaînes attachées à ses chevilles et les barreaux de sa cellule ont été coupés par des fourmis. Ayant retrouvé sa liberté, il se promet de ne jamais oublier, jusqu'à la fin de sa vie, l'aide de son bienfaiteur.
Le loup malin Mao le Bienheureux est un médecin très compétent et très attentionné. Chaque fois qu'on le sollicite, il ne recule devant aucune difficulté pour se rendre chez son patient et l'examiner. Peu importe la distance à parcourir! Comme sa science est sans égale, il réussit à soigner tous ses patients. Et à mesure que sa renommée se répand dans le pays, on fait toujours plus appel à lui. Un jour, Mao se rend chez un patient qui habite loin dans la montagne. À l'issue de sa visite il fait déjà nuit. Seul sur les sentiers escarpés plongés
dans l'obscurité, Mao se dépêche de rentrer. Tout à coup, un loup énorme surgit devant lui et lui barre la route. L'animal tient une besace dans sa gueule et s'avance d'un pas déterminé vers le médecin. D'abord effrayé, Mao comprend vite que la bête ne veut pas l'attaquer. Le loup pose la besace aux pieds de Mao, qui l'ouvre par curiosité. elle surprise! L'homme y découvre un gros lingot d'or que les éclats de lune font briller. Aussitôt, le loup attrape le bas du pantalon du médecin et le tire, comme s'il voulait le conduire quelque part. Il n'en faut pas plus pour que Mao comprenne l'intention de la bête, et tous les deux se mettent en marche, avançant dans la nuit à travers monts et vallées. Deux heures plus tard, les deux compagnons parviennent à la lisière d'une forêt très dense. Le loup s'arrête enfin. Là, une louve blessée par une flèche